Outre la dernière lettre trimestrielle en date, vous trouverez également sur cette page les archives des lettres passées, téléchargeables au format pdf (Acrobat), les derniers rapports de visite de notre directeur et les rapports d'évaluation externe. 

LETTRE AUX AMIS DE SOEUR EMMANUELLE

n° 162 - Noël 2025

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« Au bidonville, j’avais parfois l’impression que je le touchais, lui, le Christ, dans la rencontre des chiffonniers si démunis et si fraternels.  » (Sœur Emmanuelle)

Chères Amies, chers Amis,

Ma visite en octobre des programmes de la Société Saint-Vincent-de-Paul (SVDP) à Juba s’est bien passée, malgré un climat un peu tendu certains jours : on était alors en plein procès de Riek Machar (le Vice-Président et chef de l’opposition au Président lors de la guerre civile 2013-2018) et, dans la perspective du prononcé probable du jugement (condamnation à de la prison), les soldats sans soldes fouillaient les maisons et les véhicules, à la recherche d’armes éventuelles.

Comme chaque année, j’ai rencontré quelques bénéficiaires de nos programmes, et j’ai pu à nouveau constater les fruits concrets de ces programmes dans leur vie quotidienne. Pour cette lettre de Noël, j’ai choisi de partager avec vous deux de ces rencontres, avec toute notre gratitude pour votre soutien.

Enlight3466Voici Rehab Ali, 30 ans.
Rehab est originaire d’Omdurman (une ville jouxtant Khartoum) au Soudan.
Son mari y travaillait occasionnellement comme ouvrier dans le bâtiment.

En 2024, avec leurs cinq enfants, ils ont fui la guerre qui faisait rage dans la capitale et ont vécu un an dans le camp de réfugiés soudanais de Gorom (à 26Km au sud-est de Juba), supervisé par le Haut-Commissariat des Réfugiés des Nations Unies.
En août 2025, ils ont emménagé à Lologo.
Une habitante du bidonville lui a dit un jour que SVDP cherchait des distributrices pour les œufs produits par la nouvelle unité d’élevage avicole de Nyarjwa, et l’a mise en contact avec Charles, le chargé commercial des Programmes Générateurs de Revenus (PGR).

Lorsque je l’ai rencontrée, elle exerçait cette activité depuis un mois. Au départ, comme elle n’avait pas les moyens d’acheter les œufs, SVDP lui avait donné cinq cageots de trente œufs, pour lui permettre de démarrer.
Elle vend sous une petite échoppe mobile à Lologo.
Elle achète au minimum cinq cageots par semaine.
Elle revend l’œuf acheté à 733 SSP (0,10 CHF) à 1500 SSP (0,20 CHF).
Les bénéfices sur les ventes (15 CHF/semaine) lui permettent de payer le loyer mensuel de leur habitation (150 000 SSP, soit 20 CHF) et de nourrir sa famille.
Son mari essaie de trouver des travaux occasionnels dans la construction.

J’ai rencontré aussi Clara Poni Adelino, 35 ans.
Clara habite Lologo. Après avoir terminé sa scolarité en 2014, comme elle n’avait pas les moyens de poursuivre ses études, elle a suivi une formation en Couture au Centre de SVDP il y a dix ans.
Puis elle a travaillé chez elle, proposant ses services de couture aux habitants du quartier.
Elle s’est mariée en 2018. Son mari habite à Torit (à 200 km de Juba). Elle vit seule avec leur enfant.

Enlight3460Entre 2019 et 2021, elle a fait partie des équipes du PGR Confection de SVDP.
Fin 2024, elle a entendu parler des possibilités de bénéficier d’un micro-crédit de SVDP, mais a hésité, par peur de ne pouvoir rembourser. Elle a finalement emprunté un million de SSP (137 CHF) et avait remboursé 90% lorsque je l’ai rencontrée.
La somme empruntée lui a permis de construire un abri en tôles pour travailler devant sa maison. Auparavant, elle travaillait sous un arbre, et devait se retrancher dans son modeste logis quand il pleuvait. Elle a pu aussi acheter des tissus.
Elle a confectionné notamment des uniformes en janvier-février pour les élèves des écoles de Lologo, dont l’école primaire Saint-Vincent de SVDP. Cela lui rapportait l’équivalent de 110 CHF/mois.
Durant les mois d’automne, elle disait gagner moins : 20 CHF/mois. La période précédant Noël étant habituellement plus lucrative, elle pense pouvoir rembourser le solde de son emprunt avant la fin de l’année.

J’ai par ailleurs constaté que l’ensemble des programmes de SVDP fonctionnaient bien.

450 jeunes adultes (dont 41% de femmes et 48% n’ayant pas été au-delà d’une scolarité primaire) suivaient les cours théoriques et pratiques des 9 formations.

Les apprenti(e)s de la formation Santé m’ont présenté un nouveau volet de leur cursus, relatif à la nutrition.

Jackson, le chargé de l’enquête annuelle de suivi des diplômé(e)s a encore bien travaillé cette année : il a sondé 41% des diplômé(e)s 2024, soit 218 personnes (c’était une volée particulièrement nombreuse).

La maison d’hôtes où j’ai logé est à présent alimentée électriquement par l’énergie solaire, comme l’école primaire, les bureaux et la plupart des ateliers de formation. Cela va engendrer des économies, en limitant l’utilisation des générateurs du Centre de Lologo.

Le restaurant (un PGR initié dans le Centre en septembre 2024) a arrêté son activité en mars : il entrait directement en concurrence avec les deux restaurants situés à l’entrée du Centre et tenus par deux femmes avec une dizaine d’employé(e)s. C’est un problème inhérent à certains PGR (comme le PGR Confection) : les efforts pour améliorer l’autofinancement de notre partenaire local ne peuvent se faire au détriment des bénéficiaires de ses programmes d’aide.

La construction du nouveau bâtiment administratif avançait vite : le rez-de-chaussée était quasiment terminé à la fin de mon séjour.

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De la part de toutes les équipes sur place et des centaines de bénéficiaires de leur programme, nous vous remercions d’avance pour vos dons, et vous souhaitons un très joyeux Noël !

Patrick Bittar
Directeur